Entretien avec Maxime Chattam
Écrivain à succès, Maxime Chattam est rapidement devenu l’un des plus grands spécialistes français du thriller. Son dernier roman, Léviatemps, connaît déjà un beau succès et sera sans aucun doute l’un des best-sellers de Noël. Pour MensHealth.fr, l’auteur s’est confié sur sa vie d’auteur.
MensHealth.fr : Pourquoi avoir choisi l’époque du Paris des années 1900 comme cadre à votre dernier roman, Léviatemps ?
Maxime Chattam : Déjà, je suis un fan de l’époque qui va de la fin du XIXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. C’est passionnant historiquement. Et j’avais envie de plonger dans cette période pour raconter cette histoire. Je voulais également aller vers le thème du temps et du tueur en série. Car c’est le temps le plus grand tueur en série de l’Humanité. C’est le plus improbable et le plus monstrueux. 1900, c’était l’époque idéale pour parler de cette corrélation. On entre dans un moment de l’Histoire où, par exemple, les progrès scientifiques sont énormes. C’est une période qui ressemble beaucoup à la nôtre finalement. Je m’en suis rendu compte en me plongeant dans des articles d’époque.
Avez-vous déjà d’autres projets sur d’autres époques ?
Oui, j’ai pas mal de projets. À terme, j’ai envie de raconter l’histoire des enfants de ce personnage, Guy de Timée, qui est mon héros dans Léviatemps. J’ai envisagé un développement thématique qui me conduirait à raconter l’histoire de ses enfants à la fin des années 20, puis plus tard, les enfants de ses enfants, courant des années 60, et ainsi de suite pour faire un portrait du XXe siècle à travers des romans policiers. Léviatemps, qui est un diptyque dont je termine actuellement le 2e volet, devrait être le point de départ. Je ne ferai sûrement pas d’une traite tous ces bouquins, mais de temps en temps, je sortirai un livre qui sera dans la saga des de Timée, si on peut appeler ça comme ça.
Justement, Guy de Timée est un romancier à succès et on ne peut s’empêcher un raccourci facile. Alors à combien de pourcents Guy de Timée serait Maxime Chattam ?
À 50% je dirais. Il y a 50% de moi et 50% de pure création. Mais il n’y a que moi qui sais exactement quels aspects me ressemblent ou non…
On dit de vous que vous êtes très respectueux et attentif vis-à-vis de vos lecteurs. Pourriez-vous nous expliquer comment vous entretenez cette relation avec eux ?
En fait, c’est un plaisir un peu égoïste au départ quand on écrit. C’est le rapport qu’on a au mot, à l’histoire. Mais quand je commence à me relire, subitement, je n’ai plus ce plaisir égoïste et je me demande, comment ça va être perçu par ceux qui vont lire. C’est là que je pense à celui à qui le livre est destiné, c’est-à-dire le lecteur. Mon métier, c’est d’être un observateur du monde et je m’en sers pour raconter des histoires. Le thriller c’est presque un prétexte pour « portraitiser » notre civilisation. Et ma chance, c’est de pouvoir rencontrer les lecteurs de mes livres. Hier soir, par exemple, j’ai discuté pendant quatre heures avec des lecteurs. Il y a deux jours, j’ai fait une conférence en Bretagne. Ce sont des moments durant lesquels je peux parler de mon travail et expliquer pourquoi je le fais. Derrière, j’ai la chance d’avoir un retour sur mon travail. On échange beaucoup et je me remet derrière mon bureau pour écrire la suite.
Le lecteur passe des heures à lire un livre et vous, vous passez des mois à travailler dessus. Est-ce qu’une relation se crée automatiquement entre vous, même si vous ne vous connaissez pas ?
Oui, il y a une empathie qui se crée entre un romancier et son lecteur. Moi, j’ai passé des mois à écrire dans une vraie solitude parce qu’écrire ça ne peut se faire que dans une vraie solitude je pense. Mais dans le même sens, lire, c’est un choix que l’on fait volontairement de se couper du monde pour s’enfermer dans la solitude d’une lecture. C’est un peu la même chose finalement. On se parle avec un différé durant ces heures de solitude. Il n’y a que le livre qui permet de faire cela. C’est assez magique et j’aime beaucoup pouvoir discuter après avec mes lecteurs. C’est une vraie chance.
Arrivez-vous également à leur faire partager cette passion de l’écriture que vous avez ?
C’est peut-être la seule frustration que j’ai aujourd’hui. C’est ce qu’on pourrait appeler clairement un « problème de riche » mais le revers de la médaille c’est qu’il y a tellement de monde aux dédicaces qu’on ne peut pas passer énormément de temps avec chacun. Au début, je voyais 25 personnes en quatre heures de dédicace alors je pouvais bien discuter avec tout le monde. Aujourd’hui, c’est un peu plus difficile de prendre le temps car il y en a beaucoup qui attendent derrière. Alors pour contre balancer, je « triche » avec des tas de petites manifestations que j’essaye de monter autant que possible. Par exemple, dans quelques jours, je vais tirer au sort une trentaine de personnes sur mon forum pour les inviter à Paris dans un lieu que je loue pour l’occasion. Et toute l’après-midi, on peut échanger en petit groupe.
Il y a une dizaine d’année, vous avez été vous-même libraire dans un grand magasin, rayon livres policiers qui plus est, c’est quelque chose qui compte dans votre parcours et dans votre approche du métier ?
Oui énormément. J’aime le livre, j’aime lire, j’aime partager autour de ça. Et mon plus grand plaisir, c’était de conseiller les gens. J’adorais essayer de trouver un bouquin qui va plaire à telle ou telle personne. C’était une sorte de défi. Se donner un conseil de lecture, c’est assez magique. Et donc, cette envie d’échange vient sûrement de là. Je n’ai pas fait tout ça par hasard, je pense.
Et puis vous avez fait un DU de Sciences Criminelles avant de vous mettre à l’écriture de votre premier vrai thriller, L’âme du mal...
Oui, c’était passionnant. J’ai adoré. L’envie était de préparer la base de ce que j’allais écrire. D’avoir des connaissances réelles. Il y avait un intérêt personnel manifeste. C’était fascinant d’étudier la médecine légale, la police scientifique, la psychiatrie criminelle etc…
Aujourd’hui, quelle est la journée type de Maxime Chattam ?
Ah ce n’est pas très drôle en fait. Je me lève tôt, je travaille toute la matinée car c’est là que je suis le plus prolifique en général. Le midi, je prends une pause assez longue. Soit je vais me balader avec mes chiens, soit je regarde un film. Puis, je me remets à bosser l’après-midi jusqu’au soir. Et c’est comme ça 7 jours sur 7 en période d’écriture. Certaines fois, je travaille tard le soir et d’autres fois, au contraire, je vais me lever très tôt, vers 4h du matin pour commencer à écrire avant le lever du soleil. Selon les moments du livre, je vais décaler un peu mes journées de travail.
Vous travaillez dans quel cadre ?
J’habite à côté de Chantilly, au nord de Paris, dans un endroit très boisé. J’ai un grand bureau-bibliothèque avec une vue sur un parc. C’est un cadre un peu idyllique pour moi. Je suis fan d’objets anciens, j’ai des objets un peu atypiques dans mon bureau. Par exemple, un loup garou de 2 mètres momifié comme s’il avait vraiment existé. C’est un artiste de cinéma anglais qui me l’a fait. Il se tient debout dans un décors et on a l’impression que c’est une momie de loup garou. J’ai des lampes anciennes aussi qui donnent une ambiance un peu fin du XIXe siècle.
Que faites-vous de votre temps libre ?
Je collectionne les cigares, les vieux cognacs... Je suis fan de football américain alors je regarde les matchs le dimanche soir en direct sur la télé américaine. Je fais aussi un peu de sport. J’ai d’ailleurs longtemps joué au foot américain mais je n’ai pas encore trouvé de club car je viens de déménager. Je suis un fan de tout un tas de choses en fait. J’aime le foot aussi et je suis supporter du PSG ! Il en faut… (rires).
Vous parvenez à faire du sport régulièrement ?
J’en ai fait beaucoup pendant des années mais je me suis arrêté d’un coup pour écrire. Du coup, j’ai pris 20 kilos… Heureusement, j’ai réussi à en perdre une bonne partie car je me suis mis à courir. Je cours tous les 2 ou 3 jours pendant une heure. Et puis, je referai bientôt du football américain ou peut être du ju-jitsu brésilien. J’adore cette discipline.
Et niveau nutrition, vous adoptez un régime particulier pour tenir le coup durant vos heures d’écriture ?
C’est vrai que durant une longue journée à réfléchir, à cogiter, au bout d’un moment, je ressens un besoin de sucre. Quand je suis à plat et que je n’ai plus d’idée, je fais une pause et je mange quelque chose de sucré. Et puis ça repart rapidement. Le souci, c’est quand on fait ça sans faire de sport à côté… J’ai 34 ans aujourd’hui alors je préfère faire attention.
Vous êtes fier de votre succès ?
Je suis surtout surpris. On se demande comment autant de gens peuvent venir vous voir en dédicace. C’est assez bluffant comme sensation. J’en suis hyper heureux et je mesure pleinement la chance que j’aie. Il y a peu de romanciers qui ont cette chance. Je me suis rêvé dans cette position-là au début. Et je me disais que peut être un jour je serais lu et que je pourrais rencontrer les auteurs que j’adore. Et aujourd’hui, j’ai des amis qui sont ceux que j’ai lus, comme Bernard Werber par exemple.
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