aloha a écrit: Je reste également surprise par le choix du meurtrier. Un peu simple et très contradictoire. Toutes les preuves convergeaient vers un homme fort, solide et nous voilà en face d'un « faible »…
Pour ma part, je ne trouve décidément pas que le tueur soit faible ou décevant... ni que le choix de ce tueur soit contradictoire. Donc j'veux le défendre !!


[spoiler]Risbi est, pour moi, une sorte de Janus aux deux visages : l'un dessiné par la conscience civilisée, l'autre par la bestialité.
C'est un être déchiré par cette contradiction. Un homme qui n'a pas pu, pas su ou pas voulu trouver l'équilibre entre ces deux parts de lui-même.
Pourtant, il réussit à « exceller » sur les deux tableaux, puisqu'il peut avoir le visage d'un individu sensible, empathique et cultivé comme celui d'un prédateur assoiffé de sang.
Un être déchiré entre deux extrêmes.
En tout cas, il contrôle tout ce qu'il fait, a tout organisé, tout pré-organisé.
Quand il tue en lançant la PM sur la piste des signes du Zodiaque, il sait déjà vers quel suspect il l'emmène.
C'est un observateur, un grand calculateur, un manipulateur qui ballade la PM pour mieux en contempler la déroute, pour jouir de son propre pouvoir, de son intelligence, de sa puissance.
Ce qui le rend redoutable...car loin d'être faible et désorganisé, cet homme a des talents supérieurs. C'est une intellignece profonde et prodigieusement active. Il a observé dans son coin la comédie de la vie et l'a perçée à jour avec une clarté impitoyable. Ce qui la fonde, cette comédie, c'est notamment le jeu des apparences, l'envie, les croyances....Il se sert de tout cela. Avec maestria. (p.433/436 et 441, pour son côté « chétif », faible)
De toute évidence, il s'est forgé une philosophie sans illusion, une sorte de morale nihiliste.
Pour lui, la forme civilisée est la « forme corrompue » de l'homme. (p.441)
Pourquoi ? Peut-être parce que sa mère ne l'a pas défendu contre son père (p.445). L'instinct animal aurait voulu que la mère défende son petit à n'importe quel prix. La « morale » humaine, les religions ont inculqué aux êtres humains (et c'est encore vrai aujourd'hui...même en France...) qu'une femme devait respecter son mari, lui obéir, se taire, le laisser décider...
Peut-être que le rejet de Risbi pour la conscience civilisée est né de là , en sourdine...pour, par la suite, prendre possession de lui lors de la guerre.
En tout cas, pour moi, c'est une sorte de petit machiavel qui croupit à l'insu de tous, sous sa tente de l'armée. A l'insu de tous, car il a ce « don » qui lui permet de travestir ses sentiments ou en tout cas d'en simuler. Tout le monde est dupe. Absolument tout le monde. Même les autres membres de son équipe avec qui il vit au quotidien.
Car, au fond, il est parfaitement froid, parfaitement sec. C'est cette insensibilité, cachée au fond de lui, le véritable ressort qui le pousse à la recherche d'émotions et qui deviendra le secret de sa perte.
En tout cas, s'il s'agit d'un acteur exceptionnel, c'est aussi un grand dramaturge. Tel un artiste, il rumine, calcule ses effets comme un auteur travaille ses idées. C'est un scénariste qui élabore son ouvrage. Seulement, il fait jouer et souffrir des marionnettes vivantes.
Tel le Iago de Shakespeare, dans Othello, il a pensé « je tiens le plan, il est conçu. Il faut que l'enfer et la nuit produisent à la lumière du monde ce monstrueux embryon »
et « si le résultat confirme mon rêve, ma barque va filer lestement avec vent et marée »
(euhhhh..oui..moi Risbi me fait un peu penser à Iago....)
car oui, il a tout calculé, sauf le dernier acte...
Cet homme, malheureusement, est le fruit de nos sociétés. Sociétés qui veulent nous formater et brider notre part bestiale (en tout cas quand cela les arrange). Pardonnez-moi l'expression mais « chassez le naturel, il revient au galop ».
Le fait de vouloir nier ce qui fait notre nature d'homme est la source de toutes nos déviances.
Comme Ann, il faut être en mesure d'accepter cette part de nous, de l'intégrer et...de la rediriger. Car plus nous nions cette part, plus elle revient avec violence.
Le choix de ce tueur dans le cadre du roman ne me semble donc pas être contradictoire, loin de là .
Il est un appel à une recherche d'équilibre, pour nous tous, pour nos sociétés car Risbi, lui, déchiré par ces contradictions est devenu un monstre.
Risbi incarne ce danger pour l'homme de ne pas réussir à trouver cet équilibre, à diriger sa part animale vers quelquechose de positif, de constructif.
Jusqu'ici tout va bien.....jusqu'ici tout va bien...mais rappelez vous, l'important ce n'est pas la chute, c'est l'atterrissage.[/spoiler]