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MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 7:43 pm
de Maxime Chattam
Que de pages pour débattre de ce si petit texte..!
J’avoue, et vous présente toutes mes excuses pour cela, n’avoir pas lu l’intégralité des onze pages, j’ai survolé, faute de temps (Autre-Monde T3 chauffe sur le bureau), mais je constate qu’il y a débat, et c’est plutôt une bonne chose, non ?

Je vais tenter d’être limpide, dès fois que le point de vue de l’auteur puisse servir ces débats.

Tout d’abord, le titre de la nouvelle est à mon sens bien assez explicite pour annoncer au lecteur ce qu’elle contient. Un auteur ne choisit pas son titre à la légère, et celui-ci est bien assez clair ! « Le fracas de la viande chaude », c’est, comment dire ? très visuel ! Non ? De plus, il a un côté un peu « too much » qui annonce aussi la couleur. Donc jusque là, on ne peut pas dire que je prenne par surprise…

Habituellement, dans un roman policier, le tueur est « pratique ». Parfois immonde, souvent diabolique. Il tue pour une raison dont le lecteur tente de percer les secrets sur X pages, il y a une « mise en scène » autour de lui qui sert le récit, qui permet non seulement de créer du suspense, mais aussi, parfois, de dénoncer… et au final tout cela lénifie un peu la violence, du moins la rend acceptable tout le long du récit.

Cette fois, j’ai essayé de mettre de côté toute la littérature, et de me focaliser sur le tueur.

Un tueur en série sans fard, sans artifice. Une machine à tuer.

Pour rappeler au lecteur que sans le prétexte du thriller, le tueur est abject. Son crime détestable. Alors oui, j’en entends déjà certains me répondre que c’est tellement évident que ça en devient stupide. Sauf que dans le même temps, on me pose tous les jours la même question : pourquoi vos livres, et les histoires « noires » en générale, plaisent autant ? Sous-entendu : pourquoi aime-t-on tant les histoires avec des personnages terrifiants ?

J’ai justement eu envie d’interpeller le lecteur sur les raisons pour lesquelles il lit et aime ce type d’ouvrage. Car si les tueurs et les crimes dans mes thrillers (et ceux de mes confrères) sont habillés pour les rendre finalement plus acceptables, il est intéressant de voir comment réagit un lecteur lorsque ce crime et son tueur sont dépeints sans fard. Sous la lumière crue de leur violence, rien que leur violence, sans enrobage ni artifices à suspense.

Le lecteur est-il dégoûté ? Alors pourquoi poursuit-il ? Les mots ont-ils ce pouvoir hypnotisant ou est-ce ailleurs qu’il faut chercher la vraie raison ? S’il poursuit le récit, aime-t-il cette barbarie ? A quoi le renvoie-t-elle ? Qu’il abandonne sa lecture ou qu’il aille jusqu’au bout, j’aime à croire que cette nouvelle peut lui trotter dans le crâne un petit moment, et l’interpelle sur lui, et sur la violence.

Au-delà d’un léger twist final (cela reste une nouvelle policière et je voulais qu'elle en garde la forme - c'était aussi le principe du recueil) qui n’est à mes yeux pas l’élément important de cette nouvelle, il y a ce qu’elle dégage. Ce qu’elle raconte. Et l’importance de ce qu’elle suscite comme attirance/répulsion chez celui qui la lit. Et ce qu’il en ressort.
Le choix des mots est important. Ils sont choquants. J’ai voulu qu’ils résonnent comme un miroir des propres vices et limites du lecteur. Je n’ai pas été dans la surenchère, je ne suis pas d’accord avec ça, j’ai été jusqu’au bout d’un personnage qui est un tueur, pas plus pervers ou sadique que la plupart des tueurs en série de la littérature. Mais il n’y a pas le bouclier d’une narration indirecte et explicative entre ses actes et le lecteur. Il y a les mots crus de ce qu’il fait, et de son plaisir à le faire.

Oui cette nouvelle peut choquer, elle est faite pour ça.

Pour ouvrir une porte.
Certains la refermeront du bout du pied, d’autres ne la verront pas, et il y a ceux qui y jetteront un œil intrigué. Sans parler de tout ceux qui n’ont pas attendu cette nouvelle pour l’avoir franchie, et qui savent parfaitement à quoi ressemble l’ombre derrière leur porte, ceux-là, peut-être, prendront un plaisir plus intellectuel à cette lecture.

Je ne suis certainement pas un parfait artisan, mais je fais avec sincérité et passion, et jamais sans avoir un objectif précis en tête. Mes histoires sont toutes nées d’une question. Et si on me demande souvent ce que je peux bien avoir en tête pour écrire « des horreurs pareilles », en rédigeant « Le fracas de la viande chaude » ma question à moi était : « Et dans la vôtre, cher lecteur, qu’est-ce qu’il y a ? ».

Amitiés sanglantes.
:wink:

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 7:49 pm
de damshm
Merci, ça fait plaisir d'avoir votre point de vue.

On en revient donc ici au côté "test" de cette nouvelle, qui a pour but de voir comment réagissent les gens. Alors désolé Fredo, mais oui, on a servi de cobayes ;)

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 7:54 pm
de Fredo
Bienvenue alors dans le Dark Age du Thriller ...

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 7:56 pm
de damshm
Amen :wink:

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 8:06 pm
de Styx
Merci beaucoup Maxime pour ce post.

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 8:07 pm
de Fredo
Image

damshm a écrit:Amen :wink:


Aussi !

Et merci à l'auteur d'être venu participer au débat.

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 8:24 pm
de Maxime Chattam
damshm a écrit:Merci, ça fait plaisir d'avoir votre point de vue.

On en revient donc ici au côté "test" de cette nouvelle, qui a pour but de voir comment réagissent les gens. Alors désolé Fredo, mais oui, on a servi de cobayes ;)


Euh, non, là je ne suis pas d'accord. Pas de test, pas de cobayes, mais un texte qui sert au contraire à interpeller le lecteur !

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 8:59 pm
de damshm
Oui, mais si les commentaires ne servent pas à nourrir vos réflexions pour vos futurs romans, où est l'intérêt ?

L'idée de test n'a rien de péjoratif, elle définit seulement le fait que vous ayez testé quelque chose de nouveau pour voir ce qu'il en découlait. Nous interpeler ne servait il pas à recueillir des opinions sur ce type d'écriture ? Ou seulement à nous interpeller sur la cruauté du monde, et dans ce cas je me rapprocherais de l'avis de Fredo sur l'utilité de cette nouvelle.

MessagePosté: Lun Nov 30, 2009 9:38 pm
de Cybercat
Merci beaucoup Maxime pour votre éclairage quant à vos motivations d'auteur.

Pour ce que j'en ai compris, il ne s'agit pas d'un test dont les résultats vous serviront ou influeront sur vos prochains romans, mais en réalité d'un test sur nous même lecteurs. C'est entre nous et nous. Nous avons saisi vos motivations, maintenant, reste à saisir les nôtres et voir ce que cela cache...

J'en prends bonne note et viendrai témoigner de mon excursion derrière cette porte, une fois le recueil lu. Si tant est que le fruit de mes interrogations soit pertinent et intéressant pour le débat... :)

MessagePosté: Mar Déc 01, 2009 8:20 am
de Maxime Chattam
Cybercat a écrit:Merci beaucoup Maxime pour votre éclairage quant à vos motivations d'auteur.

Pour ce que j'en ai compris, il ne s'agit pas d'un test dont les résultats vous serviront ou influeront sur vos prochains romans, mais en réalité d'un test sur nous même lecteurs. C'est entre nous et nous. Nous avons saisi vos motivations, maintenant, reste à saisir les nôtres et voir ce que cela cache...

J'en prends bonne note et viendrai témoigner de mon excursion derrière cette porte, une fois le recueil lu. Si tant est que le fruit de mes interrogations soit pertinent et intéressant pour le débat... :)


Vous avez tout compris.
"Bonne" lecture...

MessagePosté: Mar Déc 01, 2009 9:31 am
de gilles caillot
Ben voilà, je lu la nouvelle et j'ai bien aimé.
Pourquoi ? Parce que justement Maxime se focalise dans les arcanes nauséabondes du tueur et qu'il nous invite à une visite intérieure d'un être immonde.
J'avais lu quelques témoignages de tueurs en série sur le net quand j'avais écrit mon premier roman, histoire de m'imprégner au maximum de leur psychologie et j'avoue que dans la nouvelle on y retrouve les mêmes ingrédients.

Je comprends que certains aient eu du mal (c'est ultra dérangeant) mais d'un autre côté, comment peut-on se glisser dans l'esprit d'un psychopathe pervers et démoniaque sans casse ?

Voila. Bonne journée à tous.
Amitiés noires.

Gilles CAILLOT

MessagePosté: Mar Déc 01, 2009 11:00 am
de Inka
Livre reçu hier, et j'ai lu la nouvelle de Maxime... et au fond, j'ai bien aimé, j'ai lu cette nouvelle alors que j'avais besoin d'une dose d'adrénaline... comme on éprouve de temps en temps le besoin de se regarder un bon film d'horreur.

Je n'ai pas été choquée par cet écrit, j'ai juste regretté le fait que ce ne soit qu'une nouvelle... j'aurais voulu lire le contenu de cette nouvelle dans un pavé de 500 pages, savoir comment il se ferait prendre, développer un peu plus la personnalité des victimes afin qu'on se mette à leur place...

Je pense que Maxime a réussi ce challenge, j'avais de la peine à poser le bouquin pour faire autre chose, cette nouvelle est à lire, le soir où vous êtes seules...

MessagePosté: Mar Déc 01, 2009 2:32 pm
de Fredo
gilles caillot a écrit:J'avais lu quelques témoignages de tueurs en série sur le net quand j'avais écrit mon premier roman, histoire de m'imprégner au maximum de leur psychologie et j'avoue que dans la nouvelle on y retrouve les mêmes ingrédients.
Gilles CAILLOT


Tu vas avoir de nouveaux adeptes avec ce genre de messages Gilles, fais gaffe hein !!!

Inka a écrit:j'aurais voulu lire le contenu de cette nouvelle dans un pavé de 500 pages, savoir comment il se ferait prendre, développer un peu plus la personnalité des victimes afin qu'on se mette à leur place...


Voilà qui répond bien à la question de Maxime quand il parle de ce qui nous fascine dans un thriller / en ce qui me concerne, c'est ça. Quoique le personnage fera, il aura en face de lui le reflet du miroir. A savoir l'enquêteur qui est sur ses traces (et donc le lecteur). Développer la psychologie des personnages, c'est ajouter des ingrédients à la recette qu'est le thriller. Un thriller, à mon humble avis, c'est surtout une histoire de failles que tente de mettre à jour un enquêteur qu'incarne le lecteur. C'est certainement comme le dit l'auteur dans sa première intervention un habillage qui place le lecteur dans un cocon protecteur. Lui retirer cette protection, c'est aussi atteindre un autre genre d'histoire.

Le gore trash, certains s'y sont "risqué" et ont changé leur fusil d'épaule depuis : Mo Hayder par exemple, avec Birdman et l'Homme du Soir, va très loin dans les sévices. Et par la suite, elle a laissé tomber.

C'est bien de vouloir péter des barrières mais ce qui m'intéresse, c'est pourquoi on les repousse. Qu'est ce qui mérite dans l'histoire d'en arriver là.

Maud Mayeras aussi va loin dans Hématome. Certains passages m'avaient aussi profondément marqués, je n'avais pas pu m'empêcher non plus à l'époque de le faire remarquer. Hématome reste un petit chef d'œuvre en tant que premier roman mais je pense toujours que c'est passage trash n'étaient pas indispensables. Je ne suis pas complétement naïf, le discours de l'auteur qui se contente de dire "je fais ça pour provoquer une réaction", il a ses limites. Quand je papote avec Gilles Caillot ou Maud Mayeras, ils ont quand même ce point commun de trouver "jouissif" de se démarquer et de faire flipper son lectorat.

Quand Maxime parle du miroir et de l'image que l'histoire renvoi au lecteur, j'aurai bien aimé qu'il parle du reflet que l'histoire renvoi de lui. Écrire un roman, c'est se prendre pour dieu. C'est avoir le pouvoir de vie ou de mort sur n'importe quel personnage a qui on donne la vie. C'est le pouvoir de déstabiliser, remuer, secouer, surprendre son lectorat. Et ça, que l'on ne me dise pas que ce n'est pas un source de plaisir assumé par le romancier. Le côté mauvais garçon, qui ne fait pas comme les autres, il est un peu là quand même. "Je veux vous terrifier et pour en arriver là, je vais outre passer les règles habituels."

Pareil du côté des lecteurs. C'est comme les montagnes russes. Y a un côté macho à rouler des mécaniques en se disant insensible à ce que l'on va subir dans cette attraction. Le côté blasé de la personne qui se vante d'en avoir tellement vue que dorénavant plus rien ne la choque.

C'est peut être ça que l'on risque, à force de vouloir repousser les barrières, c'est en fin de compte à faire perdre au lecteur la faculté d'être surpris et choqué.

MessagePosté: Mar Déc 01, 2009 3:18 pm
de damshm
Fredo a écrit:C'est peut être ça que l'on risque, à force de vouloir repousser les barrières, c'est en fin de compte à faire perdre au lecteur la faculté d'être surpris et choqué.


Bah vu les réactions ici, à priori on peut encore pousser un peu, car certains sont encore surpris et choqués. Les limites ne sont donc pas encore atteintes.

MessagePosté: Mar Déc 01, 2009 3:18 pm
de bru74
Fredo a écrit:Le gore trash, certains s'y sont "risqué" et ont changé leur fusil d'épaule depuis : Mo Hayder par exemple, avec Birdman et l'Homme du Soir, va très loin dans les sévices. Et par la suite, elle a laissé tomber.


Est ce que les auteurs ont changé de fusils d'épaules ou ont-ils eu envie d'explorer une autre facette du thriller qui (qu'on le veuille ou non) contient une multitude de "sous genre" ?

les 2 possibilités doivent exister, Fredo tu as parlé avec beaucoup d'auteurs mais Est ce vallable pour Mo Hayder?

Gilles pourrait nous dire si cela a été un changement dues aux critiques, une prise de conscience ou juste une envie d'explorer autre chose comme auteur? peut être un ensemble de toutes ces choses?

D'après les propos précédents de MC , il n'a pas l'air de vouloir continuer dans le même style. Mais pas à cause des réactions, juste car c'était un "exercice" pour cette nouvelle.

Pareil du côté des lecteurs. C'est comme les montagnes russes. Y a un côté macho à rouler des mécaniques en se disant insensible à ce que l'on va subir dans cette attraction. Le côté blasé de la personne qui se vante d'en avoir tellement vue que dorénavant plus rien ne la choque.

C'est peut être ça que l'on risque, à force de vouloir repousser les barrières, c'est en fin de compte à faire perdre au lecteur la faculté d'être surpris et choqué.


Pas grand monde voire personne n'a dit être resté insensible.
Est ce qu'il y a une habitude , une accoutumance ou les lecteurs veulent juste être choqué et peut -être à répétition ? (comme pour les films d'horreurs mais par des polars, juste avoir un dégoût, une peur, un frisson..)?
même si des oeuvres vont loin, voire trop loin ce n'est et restera qu'une partie du thriller et pas toute la production.(enfin j'espère pour la diversité des histoires, des ambiances ... ce qui fait la force du genre)
La question pour moi, est va t-elle prendre plus de place ?