Forum: Dans les Limbes de Maxime Chattam.

« Cet homme-là est-il vraiment normal ? »

La première chose que l’on se demande en refermant un thriller de Maxime Chattam est : « Cet homme-là est-il vraiment normal ? » Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire ses histoires de tueurs qui mutilent, trucident et découpent en tranches leurs victimes, voire pire, faisant tous preuve d’une imagination des plus débridées.


Dans son dernier livre, Le requiem des abysses, suite de Léviatemps, un croque-mitaine extermine des familles de paysans, en 1900. Dans La promesse des ténèbres, qui sort en poche, un tueur en série exerce son art sur le « peuple-taupe » qui vit dans les souterrains de New York.


3,5 millions de livres vendus

Certes, on ne s’attendait pas à se retrouver face à un homme à tête d’assassin, le couteau entre les dents. Mais on est tout de même surpris par ce garçon de 35 ans à l’air sage, affable et souriant. Qui semble avoir gardé les pieds sur terre, malgré les 3,5 millions de livres qu’il a vendus depuis qu’il s’est lancé dans l’écriture.


Ce qui lui vaut de disputer à Jean-Christophe Grangé le titre de maître du thriller français. Et de susciter l’enthousiasme d’une communauté de passionnés, qui, de la Trilogie du mal au Cycle de l’homme, connaissent ses ouvrages par cœur. Ils se sont donné un nom : les Chattamistes.


« J’explore les abysses de l’être humain »

Ces fans, Maxime Chattam en a rencontré quatre à Ouest-France cette semaine. Tous séduits par ces livres au suspense bien huilé, à la mécanique complexe et à l’écriture très cinématographique. Et bien décidés à percer la psychologie de l’auteur et de là, leur propre fascination pour le morbide.


« Si on vous lit, c’est que cela nous confronte à notre part d’ombre », note ainsi Katia Tricoire-Pawlonski, 40 ans, fonctionnaire territoriale à Angers.


« Nous nous construisons autant sur notre part d’ombre que de lumière, estime Maxime Chattam. J’aime explorer les abysses de l’être humain pour comprendre ce qu’il est. Comprendre ce qu’est le mal. Car le mal n’existe qu’à travers l’homme. » Au bout de 14 livres écrits en dix ans, dont 9 thrillers, il est d’ailleurs parvenu à une définition du mal : « C’est ce hiatus entre ce que l’homme croit être et ce qu’il est vraiment. Ce vide entre l’animal et le modèle civilisé. »


« Une imagination débordante… »

Christelle Marquet, 35 ans, juriste à Theix, dans le Morbihan, ose tout de même : « Êtes-vous conscient que quand on vous lit, on se demande si vous avez un problème psychologique ? » Cela fait rire l’écrivain : « Quand ma mère a lu mon premier livre, L’âme du mal, elle s’est demandé ce qu’elle avait fait pour que j’écrive des histoires pareilles ! Mais non, je n’ai pas eu une enfance traumatisante. »


Maxime Chattam a grandi en région parisienne, dans le Val d’Oise, auprès de parents aimants. Tout juste était-il un enfant solitaire, « avec une imagination débordante, comme beaucoup de solitaires. » Il s’est mis très tôt à écrire.


La façon dont il s’est construit carrière et succès témoignent ensuite d’un esprit très cartésien. Après un crochet par le théâtre, au Cours Simon, quelques petits rôles à la télé, Maxime Chattam s’est fait embaucher au rayon polars de la Fnac, à Paris. « Je me disais que c’était un bon moyen de me faire des relations dans le milieu de l’édition. » Bien vu ! Cette stratégie lui a permis d’approcher Michel Lafon, son premier éditeur.


Cursus de criminologie

Maxime, de son vrai nom Drouot, s’est ensuite doté d’un nom de plume plus seyant pour les thrillers. « Chattam » est le nom d’une ville américaine qui apparaît dans le film Minuit dans le jardin du bien et du mal, de Clint Eastwood…


Il a aussi suivi un cursus de criminologie, poussant la conscience professionnelle jusqu’à assister à 12 autopsies ! Ce qui lui vaut l’admiration de Christelle Tricoire, 38 ans, qui travaille dans la police scientifique à La Roche-sur-Yon. « Ce que vous décrivez dans vos livres, les bruits, les odeurs, les couleurs, c’est complètement ça. »


Jusqu’à 13 heures d’écriture par jour

Aujourd’hui, la méthode Chattam est bien rodée. « Avez-vous des périodes d’écriture ? » demande Michel Pourchasse, 51 ans, de Plumergat dans le Morbihan, qui échange beaucoup sur les livres de Maxime Chattam avec ses collègues de l’hôpital où il est standardiste. « Oui, et je peux écrire jusqu’à 13 heures par jour, répond l’auteur, qui vit dans l’Oise, en bordure de forêt de Chantilly, avec sa compagne. Un thriller, c’est plusieurs mois de préparation, de documentation pour être crédible, puis quatre à cinq mois d’écriture, car ce sont des livres à la structure narrative très complexe. »


Ensuite, il prépare les voyages qui le mèneront sur les lieux de son prochain roman. « C’est une machine en continu ! »


Florence PITARD.


Le requiem des abysses, Albin Michel, 454 pages, 22 €.

La promesse des ténèbres, Pocket, 503 pages, 7,90 €.