de Supermax-59 » Dim Juil 04, 2021 2:44 pm
J’ai retrouvé avec plaisir le personnage de Ludivine Vancker et ses collègues de la SR de la Gendarmerie de Paris. Le personnage a évolué. On la découvre plus humaine, plus fragile. Sa carapace s’est fissurée et Ludivine s’offre davantage à la vie. Ça fait du bien de la voir franchir un cap, d’avoir atteint le moment de son existence où elle trouve l’équilibre entre la noirceur de ce à quoi elle est confrontée dans sa profession et son besoin de lumière, qu’elle ne peut embrasser qu’en s’ouvrant.
Plaisir également au rendez-vous dès la lecture des premières pages qui plongent directement le lecteur dans une situation comme Maxime Chattam sait les écrire. Son style percutant et efficace est bien présent. Cela fait d’autant plus de bien que je venais d’abandonner un autre livre de l’auteur auquel je n’ai pas accroché du tout.
J’ai dévoré toute la première partie de L’appel du néant avec la même passion qui m’a habité pour les deux premiers tomes de la trilogie, La conjuration primitive et La patience du Diable. La collaboration entre la SR et la DGSI est intéressante, le personnage de Marc est captivant et paraît énigmatique, de par sa fonction. Ensuite l’action a ralenti, la passion s’est fragmentée et mon intérêt a baissé.
Depuis son premier roman, Maxime Chattam s’applique à disséquer le Mal, décortiquer l’esprit humain pour y dénicher cette part d’ombre que nous possédons tous et tenter de comprendre comment et pourquoi certain(e)s se laissent happer par cette obscurité ; et jusqu’où celle-ci peut entraîner quelqu’un. Le terrorisme est une forme du mal et je comprends que Chattam ait voulu écrire sur le sujet.
Cependant, c’est un mal qui m’a paru trop réel, trop proche de nous. Non pas que je considère les tueurs en séries, les violeurs et autres personnes très sympathiques comme des êtes purement fictifs. Les monstres nous entourent et vivent plus près de nous que nous le pensons. Mais leur évocation dans les autres romans de Maxime Chattam m’apparait toujours comme à travers un filtre. Je sais que des choses horribles se produisent, je sais que des êtres maléfiques jusqu’au plus profond de leurs âmes existent. Mais je sais aussi que l’auteur puise dans son imagination et se sert dans son talent d’écrivain pour rendre tout cela supportable au lecteur. Comme pour nous dire « oui tout cela est arrivé quelque part dans le monde, mais vous lisez un livre, alors détendez-vous, ce n’est qu’une histoire fictive, aussi réaliste et glaçante soit-elle ».
Sur L’appel du néant, je n’ai pas ressenti cela. Je ne suis pas parvenu à trouver ce filtre. Il est d’ailleurs intéressant de lire, dans sa postface, que Chattam a abandonné à plusieurs reprises la rédaction de ce roman, tant ce qu’il avait couché sur le papier était similaire aux tristes événements qui se produisaient en France au fur et à mesure qu’il écrivait. Ecrire sur le terrorisme revient selon moi, à évoquer l’apparition du COVID dans un roman de fiction. Cela rend les choses trop lourdes, trop proches de nous et l’histoire perd de son intérêt.
J’ai eu du mal à ingurgiter les pavés d’explications sur la religion musulmane, les différents « clans » co-existant dans une même croyance… Je reconnais, avec admiration, que l’auteur était bien documenté sur le sujet. Découvrir la façon dont les « candidats aux attentats-suicides » sont recrutés et endoctrinés est, par ailleurs, plus intéressant que la description de toutes les subtilités de la religion elle-même. Les passages sur le personnage de Djinn ne m’ont absolument pas touchés. L’idée était sûrement de voir son côté humain avant de découvrir qu’il devient un terroriste (facilement devinable) mais cela n’a pas eu l’effet escompté sur moi.
La deuxième partie a donc été plus laborieuse. Toujours très bien écrite et marquée par la réflexion de certains personnages, à laquelle j’adhère complètement. C’est ce qui sauve le livre et me pousse à ne pas le juger trop sévèrement. La fin se révèle plus captivante, malgré des ficelles un peu grosses, mais c’est pardonnable. Le manque de noirceur habituelle et chère à Chattam ne m’a pas dérangé, et j’ai apprécié la mise en place de la relation entre deux personnages.
Malgré mon désintérêt certain en milieu de parcours, ma lecture a été globalement agréable pour ce livre. Et j’espère retrouver Ludivine Vancker dans une quatrième histoire.